Catamaran moderne à voile avec grand-mât avancé et voiles déployées dans un cadre marin lumineux

Publié le 15 mai 2025

Considérer le gréement d’un catamaran de croisière comme une simple structure pour tenir les voiles, c’est un peu comme regarder un moteur de Formule 1 en n’y voyant qu’un assemblage de pièces métalliques. En réalité, chaque élément de votre mât, de vos voiles et de vos cordages constitue un composant d’un moteur sophistiqué et hautement performant : le moteur à vent. Pour le propriétaire avisé, comprendre les subtilités de ce moteur n’est pas un simple exercice technique, c’est la clé pour libérer le véritable potentiel de son navire. Il s’agit de transformer la pression du vent en vitesse pure avec un rendement maximal, tout en rendant la navigation plus simple et plus sûre.

L’optimisation de la performance ne se limite pas aux voiles ; elle englobe une architecture globale où l’hydrodynamisme des coques, la répartition des poids et même l’ergonomie du cockpit jouent un rôle crucial. Cependant, le gréement reste le cœur de la propulsion. Que vous cherchiez à grappiller quelques nœuds par petit temps, à mieux remonter au vent ou simplement à réduire l’effort physique lors des manœuvres, les innovations de ces dernières années ont radicalement changé la donne. Nous allons décortiquer ensemble comment chaque pièce de ce puzzle contribue à l’équation de la performance, et où investir intelligemment pour obtenir le meilleur retour sur votre investissement en plaisir et en sensations.

Pour mieux visualiser les avancées technologiques qui façonnent la propulsion vélique de demain, la vidéo suivante offre un aperçu passionnant des innovations en cours.

Cet article est conçu comme le manuel d’un préparateur. Nous allons analyser, pièce par pièce, les composants de votre « moteur à vent » pour en extraire chaque once de puissance. Voici les points clés que nous allons explorer en détail :

Sommaire : Anatomie du gréement d’un catamaran performant

L’impact décisif du recul du mât sur l’architecture des catamarans

L’une des évolutions les plus significatives dans la conception des catamarans modernes est, sans conteste, le recul du mât. Ce n’est pas un simple ajustement, mais un changement architectural fondamental qui a redéfini l’équilibre et le plan de voilure. En déplaçant le centre de poussée vélique vers l’arrière, les architectes ont pu dessiner un triangle avant beaucoup plus généreux. Cela permet d’utiliser un foc autovireur, plus petit et donc infiniment plus facile à manœuvrer, sans sacrifier la surface de toile globale. Le gain en simplicité lors des virements de bord est spectaculaire, transformant la navigation en équipage réduit.

Ce nouvel équilibre a également un impact direct sur le comportement du bateau. Avec un centre de gravité mieux réparti, le catamaran a moins tendance au tangage, offrant un passage dans la vague plus confortable et plus efficace. La grand-voile, de son côté, adopte un profil plus élancé et performant, travaillant en meilleure synergie avec le nouveau plan de voilure. Cette quête d’efficacité globale s’inscrit aussi dans une démarche plus large de réduction de l’impact environnemental. En effet, optimiser la propulsion par le vent est crucial quand on sait que 80% de l’empreinte carbone d’un catamaran provient de son utilisation, notamment de la consommation des moteurs.

Étude de Cas : Prototype Aura 51, le premier catamaran 100% électrique

L’Aura 51 illustre parfaitement cette transformation architecturale moderne. Il intègre non seulement une propulsion entièrement électrique, mais aussi un mât positionné de manière optimale. Ce choix de conception permet une meilleure ergonomie du poste de barre, une visibilité accrue et des performances sous voile améliorées, tout en visant une empreinte carbone fortement réduite.

En somme, le recul du mât n’est pas qu’une question de mode ; c’est une décision stratégique qui améliore à la fois la facilité d’utilisation, le confort et le rendement global du « moteur à vent ».

Pourquoi la grand-voile à corne est devenue la source de puissance principale

Si le mât est l’arbre de transmission, la grand-voile à corne, ou « square top », est sans aucun doute le piston principal de votre moteur. Son secret réside dans sa capacité à exploiter une zone jusqu’alors négligée : le sommet du mât. Le vent y est non seulement plus fort, mais aussi plus régulier, car moins perturbé par la surface de l’eau. En ajoutant de la surface dans cette zone stratégique, la grand-voile à corne augmente considérablement la puissance disponible, surtout dans les vents légers et moyens, là où un catamaran de croisière peut parfois manquer de souffle.

Cette conception, directement héritée de la course au large, offre un meilleur rendement aérodynamique. La « corne » permet un meilleur contrôle du vrillage de la voile, c’est-à-dire la différence d’angle entre le bas et le haut de la voile. Un bon réglage de ce vrillage est essentiel pour adapter la forme de la voile aux conditions de vent et optimiser la propulsion. L’avis des experts est unanime sur ce point.

Comme le souligne Hugues Destremau, coordinateur du bureau d’études North Sails France, dans les colonnes de Voile et Moteur :

« Avec la corne, on obtient un réglage plus homogène et efficace en haut de la voile, essentiel car le vent y est plus fort, optimisant ainsi la puissance et le contrôle du catamaran. »

Pour bien comprendre la finesse de ces réglages, l’illustration suivante met en lumière les détails techniques qui font la différence.

Détail illustré du réglage et du vrillage de la grand-voile à corne avec mise en valeur des lattes obliques

Comme vous pouvez le constater, les lattes obliques et la tension du tissu sont cruciales pour donner à la voile son profil optimal. Maîtriser cette technologie, c’est s’assurer que le cœur de votre moteur délivre toute sa puissance. Pour y parvenir, quelques points de réglage sont fondamentaux.

4 conseils pour optimiser le réglage d’une grand-voile à corne

  • Exploiter le gradient de vitesse du vent en tête de mât en maîtrisant le vrillage de la voile.
  • Éviter une corne trop longue pour limiter la traînée et prévenir l’enfournement sur multicoques.
  • Utiliser des dispositifs pour donner une courbure efficace au bord supérieur de la voile.
  • Contrôler le réglage pour équilibrer puissance, finesse et sécurité de la voile.

Le Code 0 et le gennaker : les turbocompresseurs de votre voilier

Si la grand-voile est votre moteur principal, alors le Code 0 et le gennaker sont les turbocompresseurs que vous activez pour un gain de puissance instantané. Ces voiles de portant, conçues pour les allures allant du près largue au grand largue, sont les armes secrètes pour transformer une navigation par petit temps en une expérience grisante. Elles permettent de maintenir des vitesses élevées lorsque le vent faiblit, évitant ainsi de devoir démarrer les moteurs thermiques. Le Code 0, plus plat, est idéal pour remonter au vent dans la brise légère, tandis que le gennaker, plus creux, excelle aux allures plus arrivées.

L’installation de ces voiles sur des emmagasineurs modernes a simplifié leur utilisation à l’extrême. Fini les manœuvres complexes sur la plage avant : un bout-dehors, une drisse et un emmagasineur suffisent pour envoyer et rouler la voile depuis la sécurité du cockpit. Cet équipement, autrefois réservé aux régatiers, est devenu un standard sur les catamarans de croisière rapide. L’impact sur la performance est quantifiable et significatif ; il n’est pas rare de voir la vitesse du bateau augmenter de manière spectaculaire. En effet, de nombreuses analyses confirment qu’un Code 0 bien réglé peut augmenter la vitesse d’un catamaran de 3 à 4 nœuds sur un reaching.

Un catamaran à voile avec voile Code Zero et gennaker déployés sur mer agitée

L’image ci-dessus illustre parfaitement la sensation de puissance et d’accélération que procurent ces voiles. Le bateau déjauge presque, porté par une force invisible mais palpable. Pour exploiter pleinement ce potentiel, une bonne compréhension des manœuvres et des réglages est indispensable, comme le démontrent certains guides pratiques très détaillés.

Étude de Cas : Manuel pratique pour naviguer avec un Code Zero sur un catamaran Lagoon 46

Un guide détaillé et illustré par Rolly Tasker Sails montre les meilleures pratiques de manœuvre, de réglage et de sécurité pour exploiter un Code Zero sur un catamaran de croisière. Ce type de ressource est inestimable pour le propriétaire souhaitant maîtriser ces « turbos » et en tirer le meilleur rendement.

La révolution des cordages modernes : plus résistants et légers que l’acier

La puissance générée par les voiles modernes serait inutile si elle n’était pas transmise efficacement et en toute sécurité à la structure du bateau. C’est ici qu’intervient une révolution plus discrète mais tout aussi cruciale : celle des cordages en fibres synthétiques. Oubliez les câbles en acier inoxydable lourds et sujets à la corrosion. Les gréements dormants (haubans, étais) et courants (drisses, écoutes) d’aujourd’hui font appel à des matériaux comme le Dyneema, le PBO ou le Vectran. Ces fibres de haute technologie offrent un rapport solidité/poids qui surpasse celui de l’acier, tout en étant beaucoup plus légères.

Cette légèreté n’est pas anecdotique. Chaque kilo économisé dans les hauts, c’est moins de poids qui contribue au tangage et au roulis, donc un gain direct en stabilité et en performance. De plus, ces textiles présentent un allongement quasi nul, ce qui garantit que la forme des voiles reste constante et optimale, même sous forte charge. La transmission de la puissance est ainsi plus directe, plus réactive. La durabilité de ces nouveaux matériaux a également fait des bonds de géant, comme le confirment des études approfondies menées par des instituts de recherche renommés.

Étude de Cas : Durabilité et performances des cordages synthétiques marins étudiés par l’Ifremer

Les recherches montrent que les cordages modernes en fibres synthétiques surpassent l’acier en rapport solidité/poids. Leur durabilité est améliorée grâce à une meilleure résistance en fatigue et une adaptation supérieure aux contraintes marines, comme la flexion répétée, ce qui assure une longévité accrue dans des conditions exigeantes.

L’expertise des spécialistes du domaine valide cette tendance de fond, en insistant sur la fiabilité comme argument clé.

Peter Davies, du laboratoire SMASH à l’IFREMER, le résume ainsi dans les Comptes Rendus des JNC 2025 :

« La durabilité des cordages synthétiques est un point clé, et leur longue durée de vie dans des conditions marines extrêmes en fait un atout majeur pour la navigation moderne. »

Comment le mât rotatif et les winchs électriques réinventent la navigation

Pour parfaire le rendement du moteur à vent, deux innovations majeures au niveau de l’accastillage ont changé la vie des navigateurs : le mât rotatif et les winchs électriques. Le mât rotatif, ou mât-aile, est une autre technologie issue de la compétition. En pivotant, il s’aligne avec le vent apparent pour présenter un profil d’attaque parfaitement aérodynamique, à la manière d’une aile d’avion. Cela permet de réduire la traînée et d’améliorer l’écoulement de l’air sur la grand-voile, générant un gain de puissance et un meilleur cap au près. Ce qui était autrefois un réglage complexe est maintenant souvent automatisé ou grandement simplifié.

Parallèlement, la démocratisation des winchs électriques a mis fin à l’idée que naviguer sur un grand catamaran était une affaire de force physique. Border une grand-voile de plus de 100 m² ou un gennaker sous pression devient un jeu d’enfant. Il ne s’agit pas seulement de confort, mais aussi de sécurité et de performance. Un réglage fin et rapide des voiles, possible grâce à la puissance électrique, permet de réagir instantanément aux variations du vent et de maintenir en permanence le bateau à son plein potentiel. Le marché propose aujourd’hui des solutions extrêmement performantes.

Le témoignage des utilisateurs est souvent le plus parlant pour mesurer l’impact de cette technologie au quotidien.

Témoignage : L’expérience d’un utilisateur de winch électrique moderne

Selon de nombreux retours, le winch électrique facilite considérablement les manœuvres, en particulier sur les grands catamarans très équipés. Il permet un contrôle précis de la tension des écoutes et des drisses, et réduit la fatigue de l’équipage, rendant la navigation plus agréable et plus sûre, même sur de longues distances.

La technologie derrière ces outils est impressionnante, avec des moteurs capables de délivrer une puissance considérable tout en restant compacts. Les tests en conditions réelles montrent que le winch le plus rapide du marché est équipé d’un moteur brushless de 1250 W, offrant une vitesse et une efficacité inégalées pour les manœuvres les plus exigeantes.

Naviguer plus vite avec moins d’efforts grâce aux nouvelles technologies de voiles

L’idée reçue selon laquelle performance rime avec complexité et effort physique est aujourd’hui obsolète. La véritable innovation dans le gréement moderne est d’avoir réussi à rendre les catamarans à la fois plus rapides et plus faciles à manœuvrer. C’est le résultat d’une synergie entre les différents composants que nous avons vus : un plan de voilure équilibré, des voiles puissantes mais maniables, des cordages légers et un accastillage assisté. L’objectif du « préparateur » n’est plus seulement de chercher la vitesse maximale, mais d’optimiser le « rendement global » du système, incluant le facteur humain.

Un gréement bien pensé permet de réduire la charge de travail de l’équipage, ce qui se traduit par moins de fatigue et donc plus de lucidité pour les décisions stratégiques et la sécurité. Le foc autovireur, par exemple, supprime la nécessité de manipuler les écoutes de génois à chaque virement. Les prises de ris automatiques ou semi-automatiques, ramenées au cockpit, permettent d’adapter la voilure aux conditions sans quitter la sécurité du poste de barre. Chaque innovation vise à rendre le bateau plus réactif et plus tolérant.

En définitive, la performance moderne est une affaire d’intelligence de conception plus que de force brute. Elle repose sur un ensemble de technologies qui, combinées, rendent la puissance accessible et contrôlable. Pour le propriétaire, cela signifie plus de temps passé à profiter de la navigation et moins de temps à se battre avec le matériel. Voici un résumé des technologies qui contribuent le plus à cette petite révolution.

3 technologies facilitant la navigation en catamaran moderne

  • Utiliser des winchs électriques pour réduire la fatigue sur les manœuvres.
  • Adopter un mât rotatif pour un meilleur réglage automatisé des voiles.
  • Mettre en place des gréements modernes optimisés pour réduire les efforts nécessaires.

Deux approches pour optimiser le ratio poids/voilure et décupler la performance

Au cœur de la performance d’un voilier, et plus encore d’un multicoque, se trouve un concept fondamental : le ratio poids/voilure (ou son inverse, le ratio voilure/poids). C’est le juge de paix, l’indicateur qui révèle la capacité d’un bateau à accélérer et à maintenir une vitesse élevée. Un bon ratio signifie que le bateau dispose de suffisamment de « moteur » (la surface de voile) pour propulser efficacement sa « carrosserie » (son poids ou déplacement). Pour un catamaran de croisière, viser une meilleure vitesse et confort passe inévitablement par l’optimisation de ce chiffre.

En tant que « préparateur », notre travail consiste à agir sur les deux leviers de cette équation. D’un côté, nous cherchons à augmenter la puissance, de l’autre, à diminuer la masse à déplacer. Ces deux stratégies sont complémentaires et doivent être menées de front pour un résultat optimal. Il ne s’agit pas de transformer un bateau de croisière en une machine de course dépouillée, mais de faire des choix intelligents lors de la construction, de l’équipement et du chargement du bateau.

L’amélioration de ce ratio est donc un travail constant d’optimisation. Chaque décision, du choix des matériaux de construction à celui de l’ancre, a un impact sur le devis de poids final. De même, chaque ajout de surface de voile doit être pensé en fonction de la stabilité et de la structure du navire. C’est cet équilibre délicat qui distingue un catamaran performant d’un autre.

2 stratégies clés pour améliorer le ratio poids/voilure d’un catamaran

  • Réduire la masse totale du catamaran avec des matériaux légers (construction en infusion, accastillage textile, etc.).
  • Augmenter la surface de voile (grand-voile à corne, Code 0) sans compromettre la stabilité du navire.

Le ratio poids/voilure : l’indicateur clé pour évaluer un catamaran

Comprendre le concept du ratio poids/voilure est une chose, mais savoir l’interpréter en est une autre. Ce chiffre, généralement exprimé en mètres carrés de voilure par tonne de déplacement (m²/t), est votre meilleur outil pour comparer objectivement le potentiel de performance de différents catamarans. Un chiffre élevé indique un bateau « bien toilé », susceptible d’être vif et rapide, surtout dans les vents légers. Un chiffre plus bas suggère un bateau plus orienté vers la charge utile et le confort, qui aura besoin de plus de vent pour s’exprimer.

Il n’y a pas de « bon » ou de « mauvais » ratio dans l’absolu ; tout dépend de votre programme de navigation. Cependant, pour un propriétaire en quête de performance et de sensations, un ratio élevé est un excellent point de départ. Par exemple, certains modèles reconnus pour leur agrément à la voile affichent des chiffres éloquents. Une étude comparative de modèles de catamarans montre que des unités comme le Lagoon 42 atteignent un excellent ratio de 7,45 m² de voilure par tonne de déplacement, ce qui explique en grande partie leur succès auprès des amateurs de navigation performante.

En conclusion, le gréement moderne n’est pas une collection d’options, mais un système intégré où chaque composant, du mât reculé aux cordages en Dyneema, travaille de concert pour maximiser le rendement. En tant que propriétaire, comprendre ce « moteur à vent » vous donne les clés pour faire les bons choix, que ce soit à l’achat ou pour améliorer votre bateau. C’est en optimisant ce système que vous transformerez votre catamaran en une véritable bête de performance, alliant vitesse, facilité et plaisir de naviguer.

Évaluez dès maintenant les composants de votre propre gréement pour identifier les axes d’amélioration qui vous apporteront le plus grand gain en performance et en agrément.

Rédigé par Antoine Renaud, Antoine Renaud est architecte naval, diplômé des plus grandes écoles françaises et passionné par l’hydrodynamisme des multicoques. Depuis 12 ans, il conçoit des catamarans alliant performance et innovation..